Comment Aimer ?

Comment aimer, je ne sais pas, je n’en sais rien, je ne pense pas que « comment » est une question à se poser pour ce genre de choses.
On aime point.
La définition d’aimer, pour tout vous dire ne m’intéresse pas, vibration, émotion, cela a peu d’importance.
Je crois que quand on aime on le sait et ensuite chacun le vit comme il peut, parfois tâtonnant, cherchant souvent dans des définitions, des termes, des moyens de se rassurer un peu.

En lisant diverses choses sur ce sujet, ces derniers jours, je me suis forcément posée la question pour en finir par un
 « Cherche si tu veux mais cherche dans tes souvenirs »


Evidemment, ils sont apparus
Aitatxi et amatxi…pourquoi aller chercher ailleurs, ce que j’ai si souvent vu de mes yeux, ce que j’ai entendu de mes oreilles, ce que j’ai si souvent perçu et qui m’a fait dire

« Alors c’est ça l’Amour ? »

Fermant les yeux, j’ai revu :

Assise, à la cuisine, à ses côtés, le regardant faire ses mots mêlés. Le stylo s’arrête, il pose sa règle, baisse ses lunettes.

– Qu’est ce que tu as Aitatxi ?
– chut elle se réveille, je l’entends elle va arriver, prépare lui son thé.
– d’accord, j’y vais.

La porte du couloir s’ouvre, elle passe, et il la regarde… juste ce moment sent bon l’Amour.

Elle s’attable
-Bon, rien qu’à voir votre tête, je sens que ça va être ma fête, dit-elle

Il sourit et me fait un clin d’œil

C’est parti ! Oui il a une idée en tête et je vais devoir m’y associer…Tant mieux, j’adore ça, c’est notre jeu à tous les trois.
En peu de temps, on trouvera lui et moi, comment la taquiner. Et on fera.
Des exemples j’en aurais plein parce que des moments comme celui-là, il y en a eu beaucoup.


Je me souviens d’un jour où je me suis décidée à poser la question

– Dis moi, aitatxi, pourquoi tu fais ça ? Qu’est ce qui te plait autant à toujours trouver comment la taquiner ou à nous suivre quand nous on le fait depuis gamins.
– quoi ? La taquiner ? Facile… pour la voir sourire. Même quand elle râle elle est belle.


Peu enclin à dire ses émotions, je sais que ces mots sont une des plus belles déclarations d’amour qu’il s’autorise à me divulguer. Et ce que je vois dans ses yeux suffit à me faire comprendre le reste.

Un jour où elle était « mutur  zikin » , Amatxi réagit mal et décide de claquer la porte, en menaçant de demander le divorce… j’étais dans la salle à manger et je m’approche inquiète.
aitatxi me regarde
-Qu’est ce que tu as, tu es inquiète ?
– là un peu tout de même !
– Lasai, tout va bien, elle est partie par la porte, elle reviendra par l’étable, ça va lui passer !

Ce qu’elle fit.

30 mn plus tard… Elle revient, ronchonnant, le regarde en lui lançant un majestueux
– tu me fais chier tiens !
– Toi aussi !
– mais quel con !
– Je sais

Aitatxi lance alors
– tu vois, aucune raison de s’inquiéter, elle râle et vient de me dire qu’elle m’aime.

J’éclate de rire et elle aussi, tout en haussant les épaules avant de repartir à ses taches et répétant « mais qu’il est con »
Ces instants là pour moi resteront un exemple.

Tout comme ces moments où, alors qu’il travaillait, et que nous étions avec amatxi, elle lançait au milieu de rien
 « allez, c’est l’heure,  à la fontaine pour chercher l’eau fraîche, il va arriver »

On pouvait être sure que le temps de monter, et de remplir les cruches. Quand nous entamions la descente vers la maison, il était lui au milieu de sa montée et on arriverait tous ensemble.

Parfois leurs bras se frôlaient, leurs yeux se croisaient et cela suffisait…

De toujours, chacun me parlait de l’autre, avec un tel amour, que je pouvais les écouter des heures
– tu sais, je l’ai attendu longtemps Amatxi, je l’ai courtisé, je l’ai regardé travailler, j’ai attendu. Ce qu’on disait d’elle, je suis passé au dessus et je l’ai épousé et ramenée à la maison.
Moi, je savais que c’était elle que je voulais alors j’ai attendu. Et ensuite j’ai tout pris… elle, ensuite, il lui a fallu ensuite apprendre à vivre ici,et crois moi elle n’a pas toujours été aidé,  Et elle a tenu bon, je le savais moi !
Mais,tu sais,  sans elle, ici, il n’y a rien, tout ça c’est elle, nous mais c’est surtout elle.

et elle
– il lui en a fallu de la volonté et de la patience pour m’avoir tu sais, je lui en ai fait baver un peu. Bon,  il n’est pas toujours facile hein, mais, après tout, je suis libre de rester ou pas. T je reste…

Quand parfois elle  « disait des bêtises », se plaignant de ne pas savoir parce qu’elle n’avait rien appris à l’école, nous lui expliquions, toujours ; pour aitatxi c’était important…et si à la fin, si elle continuait à ronchonner il lui répondait « chut, maintenant tu sais »

Des exemples comme ça j’en ai des wagons, les preuves d’amour, j’en ai à la pelle : de la demande en cachette d’aller la « sortir un peu d’ici », les coup d’œil d’amatxi sur la route de la chapelle vers la carrière pour voir si elle le voyait jusqu’à l’aide pour la préparation de la taquinerie , chose qu’ils se faisaient réciproquement , deux gamins ces deux- là.  J’ai même souvenir qu’une fois, aitatxi avait repéré le piège, et il s’est laissé faire, l’œil rieur et le sourire en coin.
– t’as vu ? Elle est contente
– ouais mais toi tu fais chier à tout deviner
– on s’en fout


Il y en a eu des moins poétiques et des « qui ne se disent pas » aussi mais chacun toujours s’est tenu à côté de l’autre, soutenant l’autre avec pour principale valeur, la confiance en l’autre pour avancer un pas de plus, même éloignés parfois l’un de l’autre par la maladie.

A la fin de sa vie, Aitatxi m’a fait le plus beau des cadeaux de la plus belle déclaration d’amour à Amatxi


– dis ?
-quoi ?
– pourquoi je ne meurs pas ?
– t’en as des drôles de question toi ce matin ?
– eh ben réponds plutôt, tu le sais toi, c’est ton métier
-eh ben non je sais pas, enfin si..en fait je sais…je sais que toi seul à la réponse et que je ne peux pas et ne veux pas y répondre
– tu fais suer

– je sais mais merde à la fin toi aussi, j’suis pas au boulot, j’suis avec toi, j’suis ta petite fille, et tu sais que t’es plus qu’un aitatxi alors pas cette question s’il te plait…
– merde tiens !
– moi aussi !

Quelques minutes plus tard, Amatxi passe la tête pour voir si tout va bien, elle s’éloigne… je le croyais assoupi.
– ah ca y’est je sais
– tu sais quoi ?
– Eh bé, je sais pourquoi
– très bien et donc ?
– elle n’est pas prête… il faut la préparer, elle n’est pas prête
– Si tu le dis, soit, j’ai entendu, mais tais toi maintenant stp
– merde tiens !
– moi aussi…


Quelques jours plus tard, j’aidé encore une fois Aitatxi.
Amatxi est rentrée dans la chambre, j’avais installé aitatxi pour qu’il soit beau, fier et assis au bord du lit…
elle s’est assise en face, j’ai pris leurs mains, les ai mises l’une dans l’autre et, ne pouvant pas quitter la chambre j’ai juste dit
– je fais comme les 3 singes, je ne vois rien, je n’entends rien, je ne dis rien.
– tu nous en fais un drôle de singe toi justement
– Merde…

j’ai menti, à un moment j’ai ouvert un œil et je les ai observé.
Ils se regardaient, sans mot dire, main dans la main, il lui souriait comme si souvent, elle le regardait, les yeux plongés dans les siens, gênée un peu parfois. Ils avaient 15ans…
j’ai compris que tout se disait et bien plus encore, en silence, dans cet échange. J’ai refermé les yeux et j’ai pleuré.

Il est parti quelques jours plus tard, elle est restée là, elle la préparait…puis quelques heurs plus tard elle était hospitalisée.

Quelques mois plus tard, je suis avec Amatxi, dans sa chambre
– isabelle, je suis fatiguée
– je sais
– et il est pas là, je ne veux plus même plus sortir et voir le banc vide devant la maison ; et personne ne comprend rien à rien
– amatxi ?
– oui ?
– moi je comprends juste qu’il te manque et que sans lui ce n’est pas simple
– voilà
– ok …Amatxi ?
– oui ?
– Comment t’as fait pour le trouver celui là ? Pour qu’il te donne cet amour là ? C’est encore possible tu crois
– toi, je sais pas, jusque là c’est pas une réussite, mais bon moi je l’ai eu et c’est lui qui ait venu me chercher
– Amatxi ?

– Quoi ?
– Merde tiens !
– Moi aussi…

Elle est partie à son tour quelques mois plus tard. Au funérarium , Olivier mon fils se fâchait
– Mais qu’est ce que tu as olivier ?
– allez maman go !  matxi avec  tatxi …
Il voulait qu’on se dépêche de l’enterrer pour qu’elle le rejoigne.
À cet instant, j’ai su que lui aussi savait la puissance de leur Amour…


Cet amour là je l’ai souhaité souvent, parce que ces deux là, m’ont montré ce qu’était de s’aimer véritablement. Certes ils se sont parfois fâchés, certes rien a été simple, mais ils ont tout traversé ensemble, constamment en soutien l’un de l’autre, sans se le montrer, sans le crier, sans justifier, c’était là, c’était elle , c’était lui et Point.
Il y eu peu de mots, tout n’était que ressenti, j’aimais cette vibration là, bercée par elle, à chaque fois que j’étais près d’eux.

Si je devais donc avoir ma définition de l’amour, celle là en est une. Celle d’un homme, d’une femme, d’un couple qui s’aime, se respecte, s’accompagne, s’élève et se grandit. Le reste leur appartenait .

Cet Amour là, je le souhaite à tous, les définitions ne sont que des mots, cet amour-là je crois est à vivre. Le reste on s’en fout !

Izan
10/09/2021